Il s’appelait Georges Gabriel Thenon, mais c’est sous le pseudonyme de « Rip » qu’on le connaît. Rip pour « Rire, Ironie et Plaisanterie », un nom somme toute très bien choisi. Il était un très grand revuiste de la première moitié du XXème siècle, considéré comme le maître du genre. Ses revues connaissaient beaucoup de succès, et étaient vues comme des chefs-d’œuvre par certains. Elles étaient toujours très attendues par une élite parisienne.

Il régnait sur les boulevards, et la presse ne tarissait pas d’éloges à son égard. Ses revues étaient désignées comme pleines de tact, de verve, de charme, de profondeur. Il créait des parodies d’un irrésistible comique, pleines d’esprit. Tout le monde admirait sa fantaisie et sa maîtrise du calembour.

Autoportrait de RIP

Son nom fut à l’affiche de nombreux théâtres parisiens. Pour le Théâtre Michel, il a créé pas moins de treize revues, dont celle du 24 décembre 1940. Pour celle-ci, il s’est entouré d’un casting de choix : Saint-Granier, Mireille Perrey, Suzanne Dehelly, Lestelly, Monique Rolland, Guy Rivierre ou encore Pierre Etchepare.

On est en 1940, en pleine guerre, sa revue est en prise avec l’actualité. Il y traite par exemple des difficultés du ravitaillement, mais aussi de la disparition des autos, le retour du fiacre et de la marche à pied, de l’encombrement du Métropolitain… Des sujets qui peuvent paraître assez banals, mais dont il sait renouveler le genre. On voit aussi des héros et héroïnes classiques se mettre au chant pour être au goût du jour dans le tableau « Théâtre au cabaret », ou encore « Le Pays d’Ynercie » où les habitants accablés par la prospérité, ne font que bâiller à longueur de journée.

Les comédiens y tiennent plusieurs rôles. Saint-Granier passe d’un vieil acteur à un « fauteuil Voltaire ». Suzanne Dehelly joue tantôt une cochère, tantôt Marianne.

« Plus ça change, plus c’est la même chose… »

Rip s’était illustré au Michel tout juste un an auparavant, avec Plus ça change…, une fantaisie en deux actes et sept tableaux, le 24 décembre 1939. Mise en scène par Edmond Roze, elle avait déjà été jouée au Théâtre Michel 25 ans avant, pendant la première guerre mondiale. Elle revient au début de la seconde, et confirme la maxime du titre, « Plus ça change, plus c’est la même chose ». Ce spectacle, qui s’apparente à une revue car agrémenté de couplets, avait remporté un grand succès.

Plus ça change illustré par Zyg Brunner

Résumé :

En 2040, un grand savant, le professeur Biscuit, a mis au point une machine à explorer le temps. Son ami Jolibois des Sardines, las d’être trompé par la belle Sidonie et de voir la guerre dévaster la planète, prend la machine en location pour faire un tour dans le passé. Dégoûté de sa propre époque, il espère ainsi vivre un joli rêve. Sous Louis XIV, il s’éprend de Ninon de Lenclos. Sous Charles VI, il est fasciné par la Reine Isabeau de Bavière. À la Révolution, il rencontre Charlotte Corday et Marat dans les jardins du Palais Royal, et tombe sous le charme de Madame du Barry. Jusqu’à la préhistoire, il ne retrouve finalement que des Sidonies, toutes plus redoutables les unes que les autres, et des peuples en guerre.

Les maîtresses étaient incarnées par Parisys, Jolibois par Dorville, l’éternel amant par Henri Bry. Pasquali était Charles VI, Corne le révolutionnaire Marat… On pouvait aussi apercevoir Monique Rolland en Charlotte Corday, et Barencey en savant fou.

Else Delaisse, Théâtre Michel