A l’occasion de la Journée Mondiale des droits des femmes, nous avons choisi de vous présenter Parisys, une grande femme du théâtre, autrefois directrice du Théâtre Michel.

Qui est Parisys ?

Le journaliste Jean Laurent dans La Vie Parisienne du 16 septembre 1942, décrit Parisys comme “à la fois tendre et spirituelle, sensible et moqueuse, émouvante et fantaisiste, elle est vraiment de Paris avec ses yeux ironiques, ses cheveux insolemment blonds, sa joie de vivre, son entrain et sa gaieté. » Somme toute, elle portait bien son nom ! De son côté, le revuiste Rip, avec qui la comédienne a collaboré plus d’une fois, a écrit un jour qu’elle était la fille de Mimi Pinson et de Gavroche. Et il n’était pas le seul à le penser ! (Mimi Pinson est un poème d’Alfred de Musset, et Gavroche est l’enfant des rues parisiennes de la Révolution dans Les Misérables de Victor Hugo)

Elle qui avait commencé sa carrière en tant que chanteuse et comédienne, a succédé à son défunt mari Michel Trébor à la direction du Théâtre Michel en 1942. Et même une fois devenue directrice, elle continue de jouer régulièrement dans les productions du théâtre. Les pièces où son nom s’inscrit à l’affiche se comptent par dizaines. En voici trois qui ont marqué la carrière de Parisys.

Des débuts tumultueux

Ses débuts en tant que directrice ne démarrent pas très bien. En effet, l’une des premières pièces produites, L’Oiseau de verre, ne remporte pas un franc succès. Elle est jouée pour la première fois le 23 octobre 1943, et une vague de mauvaises critiques déferle sur les artistes, notamment à l’encontre de Parisys. On lui reproche que son allure n’est pas assez élégante, ses manières pas assez séduisantes, qu’il n’y a pas assez de fraîcheur dans son rire… Bref, que le rôle n’était pas fait pour elle. Depuis ses nouvelles fonctions de directrice, la presse attendait au tournant cette comédienne très appréciée pour sa fantaisie légendaire et sa classe parisienne.

Parisys est une Marianne intelligente et sensible, mais elle semble mal à l’aise dans ce rôle qui ne lui permet guère de déployer ses dons habituels de fantaisie.

Aujourd’hui, le 1er novembre 1943

Une directrice doit s’interdire d’abuser de son pouvoir. À jouer des pièces dont on a pas le talent, on finit par les tuer.

– George Ricou dans France Socialiste, le 27 octobre 1943

Résumé de la pièce :

Claude (Henri Guisol) vit avec le fantôme d’Iris, une ancienne maîtresse qui l’a quitté sept ans auparavant. Son imagination la pare de toutes les qualités, qu’elle n’avait sans doute pas. Robin (Roger Tréville), son meilleur ami qui vit dans le même immeuble, l’a lui aussi connu. Sans qu’elle ait produit sur lui une impression aussi profonde, le voilà gagné par l’imagination de Claude : il s’éprend d’elle de nouveau. Son amie Marianne (Parisys), le trompe avec Claude et est prête à tout pour l’épouser. Mais un jour, Iris revient, et leur désillusion est considérable : elle n’est pas du tout telle qu’ils se l'imaginaient…

Sur un fond poétique et philosophique, plusieurs questions se posent au sein de cette pièce : que vaut la mémoire quand c’est le cœur qui le mène ? Peut-on inventer des souvenirs ? Peut-on oublier quelqu’un au point de le recréer à l’image de nos propres rêves ? Les qualités de dialoguiste de Marc-Gilbert Sauvajon y sont saluées. C’est un scénario rempli de situations vaudevillesques, une comédie légère où les dialogues sont vifs et l’humour abondant.

Parisys a essayé de se renouveler, elle qu’on avait plutôt l’habitude de voir dans des revues, des sketchs… Mais cette erreur de casting a été vue comme un abus de pouvoir directorial. On compte tout de même quelques critiques positives et encourageantes :

Mlle Parisys montre qu’elle est une authentique comédienne et son succès personnel est très grand

– Pierre de Masso dans Paris Soir, le 9 novembre 1943
Parisys et Henri Guisol dans L’Oiseau de verreLe Réveil, 1er décembre 1943

Plus d’une corde à son arc

Parisys ne se laisse pas abattre et se relève vite de ce faux pas. En s’alliant à Jean de Létraz en décembre 1943 dans Épousez-nous, Monsieur, la directrice prouve qu’elle sait faire les bons choix. Ce vaudeville sur la puissance créatrice du rêve et de l’imaginaire, est écrit pour elle et mis en scène par son complice Pasquali. Elle y joue aux côtés d’André Bervil qui tient le rôle principal. On retrouve aussi Simone Valère, Simon Deguyse, Murzeau, et Pierre Magnier.

Résumé de la pièce :

Un jeune romancier, tendre et délicat las de rechercher la femme idéale, la crée de toute pièce. Il imagine une aventure entre lui et une maîtresse imaginaire qu’il appelle Patricia. Sa petite-amie Loulou devient très jalouse de cette rivale qui n’existe pas. Puis une véritable Patricia arrive soudain… et il se retrouve alors face à trois femmes qui veulent l’épouser.

La pièce est mieux qu’un vaudeville. Dans l’invention de ses péripéties, s’affirme une fantaisie assez neuve.

Aujourd’hui, janvier 1944

La pièce rencontre un franc succès. Parisys y est “d’une cocasserie irrésistible”, son jeu est volubile et extravagant, fantaisiste et pittoresque.

Des succès qui s’enchaînent

Une autre pièce marquante du Théâtre Michel survient en octobre 1945 : Quand le diable y serait, une comédie en 3 actes de René Fauchois. L’auteur et metteur en scène interprète lui-même le rôle principal du prêtre. Cette pièce est décrite comme une histoire policière par l’action et un vaudeville par le ton. Sortie à la fin de la guerre, René Fauchois avait pour but de “distraire les honnêtes gens” (L’Ordre, 24 octobre 1945). Bien que certains journaux regrettent le manque de surprise et d’innovation de ce vaudeville, la pièce rencontre beaucoup de succès.

Résumé de la pièce :

Un chanoine est curé d’une église parisienne qui possède les précieuses reliques de Saint Ildebert, connues pour faire des miracles : elles ont guéri les mains paralysées d’une belle musicienne américaine. Mais voilà qu’un beau jour, les reliques disparaissent… Le frère du chanoine, détective, mène l’enquête.
Les comédiens dessinés par Caza dans La France au combat, le 8 novembre 1945

Parisys joue une chaisière repentie, pudibonde et mauvaise langue, aux côtés de Renée Albouy, Fernand René, Serge Nadaud, Valrès et d’autres…

Mlle Parisys, chaisière, est excellente : grâce à elle, chaque mot, chaque geste prend son poids et son prix.

Le Populaire, le 30 octobre 1945

Sa drôlerie sait se teinter de sensibilité à point nommé. Elle possède jusqu’au bout des ongles cette chose indéfinissable qu’on appelle la classe parisienne.

Le Messager de midi, le 2 novembre 1945

Parisys est restée directrice du Théâtre Michel jusqu’en 1967, où elle tire sa révérence à l’âge de 75 ans. Elle laisse sa place à son ami Jean Meyer, et continue tout de même sa carrière de comédienne.

Quoi qu’elle dise, quoi qu’elle fasse, Mlle Parisys sera toujours une petite fille du Paris populaire, pas prétentieuse mais fine, un peu moqueuse, un peu craintive, toujours prête à baisser la tête pour laisser passer le destin. Elle n’est pas exactement une actrice, capable de créer des rôles, elle est un personnage de la faune parisienne, à la fois vivant et immuable, qu’on ne peut se défendre d’aimer.

– Robert Francis dans Le Réveil, le 1er décembre 1943

Else Delaisse, Théâtre Michel